Polémique : ici Grenoble répond à ses "trolls"

17/12/2020
herisson-60e66af009acc159072281.jpg

Le média libre ici Grenoble a cinq ans. Depuis 2015, nous avons reçu une multitude d'encouragements, mais aussi des critiques parfois virulentes. Certaines nous ont fait réfléchir. D'autres nous ont permis d'avancer.

Qu'est-ce qui nous est le plus souvent reproché ? Nous vous proposons une sélection des pires critiques reçues par mail ou de vive voix, et nos réponses.

Si vous aimez les polémiques, si les coulisses d'ici Grenoble vous intriguent, si les réflexions sur le sens d'un média vous intéressent, cet article est pour vous !

* * *

RÉPONSE AUX PIRES CRITIQUES REÇUES PAR ICI GRENOBLE

* * *

1. Votre site est pourri, on dirait un blog des années 2000. En plus, il s'affiche mal sur les smartphones. Vous êtes des ringard-e-s. Complètement à la rue, poste à galène.

Ah non, nous ne sommes pas ringard-e-s, nous sommes... vintage !

Blague à part (quoique ?), le site ici Grenoble génère des avis contrastés. On nous félicite souvent pour sa clarté, sa simplicité et la richesse de son contenu. On nous critique aussi régulièrement pour son côté "has been" et son inadaptation aux mobiles. Nous sommes bien conscient-e-s de ces faiblesses. C'est pourquoi une nouvelle version du site est en chantier.

Le site actuel a en tout cas un immense mérite : il n'a été en panne que six jours en cinq ans...

* * *

2. ici Grenoble n'a aucune cohérence : vous faites un dossier spécial sur le Dieselgate, mais vous mettez en avant les garages à bagnoles que sont Les Soupapes ou Solidarauto. Vous référencez à la fois L214 et des restaurants bio de viandards. Vous relayez des communiqués critiquant Piolle, mais vous faites de la pub pour des associations inféodées à la galaxie EELV. De manière générale, votre agenda propose des événéments réformistes à côté d'événements anarchistes. C'est du grand n'importe quoi.

Oui, ici Grenoble est une sacrée foirfouille. De nombreux éléments rentrent en contradiction les uns avec les autres. Ce grand bazar s'explique par trois convictions politiques :

- Première conviction : On ne naît pas écologiste, féministe, anticapitaliste ou libertaire. Enfin, si : certaines personnes le sont dès l'enfance, par leur éducation, ou le deviennent très rapidement, par des rencontres ou des épreuves de vie fulgurantes. Mais pour la plupart des militant-e-s (et certain-e-s ont tendance à l'oublier), la "radicalisation" se fait très progressivement.

Pour le dire autrement, on peut commencer par fréquenter de temps en temps la boutique Artisans Du Monde, par laquelle on découvre une association de soutien aux migrant-e-s et exilé-e-s, puis, après quelques années d'engagements asociatifs et des rencontres déterminantes, prendre la tête d'un cortège anticapitaliste ou rejoindre une Zone À Défendre.

C'est pourquoi nous avons tendance à mettre en avant des structures ou des événements dès qu'il y a au moins un élément qui nous semble subversif ou représenter "un pas de côté". Et quand une info prête à débat, nous essayons de le signaler (par exemple, à chaque fois que nous présentons un film ou une conférence de Thomas Piketty, nous publions une critique cinglante de Frédéric Lordon). Mais parfois (trop souvent ?) nous nous trompons, ou nous passons à côté d'infos importantes...

Notre objectif, c'est qu'une personne qui tombe par hasard sur le site ici Grenoble, par exemple en cherchant un Repair Café, découvre par ce média une autre association dont il n'avait jamais entendu parler, ou un événement qui l'intrigue, et que, de fil en aiguille, l'éventail des choix possibles s'élargisse. Pour le dire autrement : ici Grenoble, c'est le site que nous aurions aimé découvrir quand nous avions 16 ans, pour nourrir nos imaginaires et nos choix de vie !

- Seconde conviction : Le changement se fait par le nombre. Nous croyons et nous espérons la "convergence des luttes", la création de grands fronts contestataires comme en 1936, en 1968, en 1986, en 1995, en 2006, etc.

Mais comment construire une convergence des luttes s'il n'y a pas un minimum de convergence des infos ? Dans une société qui s'atomise, où les luttes ont tendance à se morceller voire à se "claniser", où chacun-e est de plus en plus focalisé-e sur son réseau social algorithmé, ici Grenoble essaye de proposer des visions d'ensemble de la contestation dans l'agglomération grenobloise. Et peut-être, ainsi, contribuer à la création de passerelles et de nouvelles solidarités ?

- Troisième conviction : Face à l'ampleur du désastre social et environnemental, le changement se fera par des ruptures. Nous ne pensons pas que de réelles solutions puissent être trouvées dans le cadre de la cinquième République et du modèle productiviste. Il nous faut de nouvelles institutions, de nouvelles logiques sociales et économiques.

Dans ce contexte, nous voyons les milieux associatifs et les dynamiques contestataires comme un immense réservoir d'idées, de pistes, de germes d'institutions nouvelles. Et souvent, certaines associations grenobloises à l'apparence "non radicale" nous semblent expérimenter des fonctionnements particulièrement salutaires ou inspirants. D'où la foirfouille...

* * *

3. Vous faites de la publicité pour l'association [nom censuré], mais elle est dirigée par une bande de roublards particulièrement malhonnêtes et machistes. Virez cette asso d'ici Grenoble !

Nous recevons régulièrement des critiques de structures référencées sur ici Grenoble. À chaque fois, ces critiques nous plongent dans un sacré dilemme. Nous avons suffisamment d'expérience pour savoir à quel point le militantisme et le monde associatif ne sont pas un long fleuve tranquille. On peut y subir des rapports de domination, du sexisme, du racisme, du validisme, de l'âgisme, la privatisation de biens collectifs, des escroqueries parfois. Certains collectifs génèrent des "dégâts humains" considérables. Derrière une belle façade contestataire, des lieux dits alternatifs peuvent devenir de véritables machines à décourager les luttes et briser des individu-e-s.

Mais nous ne sommes pas un tribunal : il nous est souvent très difficile de vérifier certaines infos reçues, de savoir où se situe la vérité. Alors nous bricolons : nous supprimons certains lieux, nous mettons moins en avant certaines structures, bref nous essayons de faire au mieux.

Le dilemme reste cependant entier : dans quelle mesure ici Grenoble participe à du "carnage politique et relationnel" en encourageant des personnes à rejoindre des dynamiques collectives où les rapports de domination peuvent être particulièrement dévastateurs ? Si un jour nous arrêtons ici Grenoble, ce dilemme sera l'une des raisons premières.

En attendant, nous rêvons souvent de créer "ici vraiment Grenoble" : un site qui présenterait des infos sur les coulisses de chaque institution, de chaque association, avec les enjeux de pouvoir, les conflits en cours, une analyse critique des véritables impacts politiques... autant d'informations très difficiles à obtenir et généralement impossibles à publier sans risque de procès.

* * *

4. ici Grenoble, c'est trop mou. Le désastre climatique est là, la sixième extinction de masse a commencé, les inégalités explosent, le monde plonge dans le chaos, mais à vous lire on a l'impression que ça ne va pas si mal. On ne sent pas assez l'urgence de se révolter.

Nous entendons bien cette critique. Comme de nombreuses personnes engagées dans des luttes, nous sommes sans cesse balloté-e-s entre un état de sidération ou de révolte, et une vie quotidienne qui nous tire vers une certaine "normalité". Sidération et révolte face à une n-ième alarme sur l'effondrement de la biodiversité ou une nouvelle mesure insupportable du gouvernement. Normalité des rues de Grenoble, ses zones commerciales rutilantes, son agitation consumériste et productiviste, la puissance des normes dominantes.

Le média ici Grenoble est représentatif de cette tension, qui est sans doute la condition humaine des habitant-e-s des pays riches : tantôt nous publions des Unes sur des cafés associatifs ou des restaurants bio, tantôt des Unes sur des manifestations écologistes radicales ou des rassemblements de soutien aux réfugié-e-s.

Depuis 2019 en tout cas, nous mettons souvent en avant Extinction Rebellion Isère, les Cafés Collapsologie de Grenoble, les Marches Climat, et de manière générale toutes les actions de contestation radicale. Nous essayons également, dans notre rubrique Articles à découvrir, de publier régulièrement des dossiers sur le désastre climatique.

Mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour que l'état d'urgence social et environnemental soit plus "palpable" sur ici Grenoble, en particulier dans notre base de données d'infos pratiques.

* * *

5. Votre ton "neutre" est chiant. Lire ici Grenoble, c'est ennuyeux.

C'est clair que si vous aimez les infos avec des blagues, des jeux de mots, du cynisme ou du buzz, ici Grenoble ressemble à un vieux chewing-gum à la verveine. Pour augmenter les chances d'être compris-es par un maximum de personnes et éviter l'entre-soi, nous essayons d'avoir le ton le plus formel, le plus clair et le plus concis possible. C'est un choix à la fois politique (à titre personnel on adore les blagues, si si) et pragmatique (nous adoptons le ton que nous maîtrisons le mieux).

Mais si nous étions en mesure de le faire, nous déclinerions le concept d'ici Grenoble sous de multiples formats, en applis, en clips, en journaux, avec des tons, des graphismes et des styles correspondant à la pluralité de la population. Car oui, nous sommes parfaitement conscient-e-s du fait que le média ici Grenoble, sous sa forme actuelle, est inaudible pour une grande partie des Grenoblois-es. Nous sommes beaucoup trop éloigné-e-s des formats que de nombreuses personnes ont l'habitude de consulter.

Ceci étant dit, nous publions chaque semaine des communiqués d'association ou des événements dont les descriptions, rédigées par les organisateurs ou les organisatrices, ont des contenus plus "épicés", du vocabulaire réservé à un public ciblé, des blagues voire des private-jokes.

* * *

6. Mais qui êtes-vous ?! On ne sait pas qui écrit, qui finance et qui gère ce site. Du coup, on n'a pas confiance dans vos infos.

ici Grenoble est piloté par une intelligence artificielle qui... Oups, non. Pour ne pas personnifier ici Grenoble et pour des raisons personnelles, nous sommes des personnes discrètes qui n'affichons que très rarement notre participation à ce média. Certaines personnes nous connaissent cependant à travers les 50 interviews publiées depuis 2015, les 50 000 miniguides et les 5 000 affiches diffusés dans des lieux publics. Nos statuts associatifs sont également consultables à la Préfecture de l'Isère.

Dans l'idéal, nous rêverions de rendez-vous mensuels pour se rencontrer, proposer des ateliers d'écriture ou des séances d'amélioration d'ici Grenoble (comme le faisait par exemple Indymedia Grenoble lors de son âge d'or). Mais nous ne sommes pas en mesure de le faire (pour l'instant). En revanche, nous répondons à toutes les personnes qui nous questionnent sur notre identité.

* * *

7. Le numéro de téléphone de l'association [nom censuré] n'est plus attribué. Mettez à jour vos infos !

Oui, nous avons des erreurs sur ici Grenoble. C'est un problème structurel : nous référençons plus de 1 500 infos locales. Cette base de données est vivante, en transformation permanente. Malgré nos efforts, nous avons toujours des dizaines d'infos obsolètes, entre 1% et 5% du contenu du site selon les périodes.

Dans ce contexte, mille mercis aux lecteurs et lectrices vigilant-e-s qui nous aident à corriger ces erreurs ! Et mille excuses aux personnes qui sont tombées sur des infos périmées.

* * *

8. Vous n'annoncez jamais les événements organisés par La France Insoumise Isère. Ne pas nous soutenir, c'est soutenir la droite.

Effectivement, nous nous méfions des partis politiques tournés vers la prise du pouvoir des institutions de la cinquième République. Dans leur fonctionnement interne, ces partis sont presque toujours des oligarchies : le pouvoir réel est détenu par quelques personnes, avec des luttes intestines terribles. Nous savons aussi à quel point le pouvoir ou son désir transforme les gens, ouvre la porte aux pires manipulations, aux pires trahisons, aux pires mensonges. Enfin et surtout, nous nous méfions de la démocratie représentative, qui, à gauche comme à droite, se résume presque généralement par : "Occupez-vous de votre famille, de votre boulot et de vos loisirs, et faites-nous confiance on s'occupe du reste."

C'est la raison pour laquelle ici Grenoble met en avant les dynamiques associatives et collectives, celles où l'autogestion, l'auto-organisation, la démocratie directe et la prise en main par la population des sujets qui les concernent sont les plus fortes.

Ceci étant dit, nous sommes bien conscient-e-s des avancées sociales que certains partis réformistes obtiennent une fois au pouvoir. C'est pourquoi nous ne publions que très rarement des attaques frontales de la France Insoumise, d'EELV ou du NPA. Le seul personnage politique local sur lequel nous avons concentré de nombreuses critiques depuis 5 ans, c'est Alain Carignon.

* * *

9. Avec votre site, vous participez au triomphe du numérique, à la pollution électronique et donc à l'effondrement planétaire. Désertez internet !

Oui, l'empreinte écologique d'ici Grenoble n'est pas bonne. On se rassure en se disant que notre site est tourné vers le réel : il encourage à éteindre son ordinateur pour aller rejoindre un événement, une manifestation, un lieu.

Nous avons aussi déployé beaucoup d'énergie et de financement pour diffuser 50 000 miniguides sous format papier. Et si nous étions en mesure de le faire, nous ferions d'ici Grenoble une revue mensuelle et un guide annuel, le tout complété par des rendez-vous publics, des stands sur les marchés, des criées et bien d'autres formes médiatiques à inventer.

* * *

10. Vous ne critiquez jamais Piolle, et vous mettez en avant des associations qui sont de véritables officines d'EELV. Vous travaillez pour la mairie ou quoi ?

Depuis la campagne d'affichage électoral "ici c'est Grenoble" de la liste Piolle en 2020, de nombreuses personnes pensent que le média ici Grenoble est lié à la mairie. Le fait que nous n'ayons pas publié de bilan critique des six années de pouvoir municipal, et que toutes nos critiques se soient portées sur Alain Carignon, n'arrangent pas la situation...

Nous sommes également bien conscient-e-s du fait qu'en mettant en avant des associations et des initiatives écologistes au sens large, nous participons d'une "culture", d'une "ambiance générale" qui favorise les candidat-e-s les plus habiles à convaincre l'électorat qu'ils incarnent cette culture écologiste, en l'occurence l'alliance EELV/France Insoumise à Grenoble.

Pourtant, non, ici Grenoble n'a aucun lien avec le pouvoir municipal. Au contraire, nous avons mis en avant toutes les manifestations de lutte contre le "plan d'austérité" mis en place par Piolle dès son arrivé au pouvoir. Et de manière générale, depuis 5 ans, nous mettons en avant les communiqués de presse critiquant le pouvoir en place, en particulier ceux du DAL.

* * *

11. Ça fait trois fois que je vous écris pour un stage à la Caserne de Varces, et vous ne m'avez toujours pas répondu.

Ah, la Caserne de Varces, notre boucherie Sanzot... La rubrique infos pratiques d'ici Grenoble a un petit défaut : quand on ne connaît pas ici Grenoble et qu'on lit trop rapidement la page d'une structure que nous référençons, on peut penser que la fonctionnalité "Contact" (pour contacter ici Grenoble) concerne la structure qui est affichée.

Plusieurs fois par jour, nous recevons donc des messages de personnes qui pensent contacter une association, une institution ou un lieu que nous référençons, mais contactent en fait ici Grenoble. Cette petite "erreur" nous plaît, car elle nous donne un aperçu des structures qui intéressent le plus nos lecteurs et lectrices.

Et parmi les 500 associations et structures que nous référençons, quelle est celle qui détient de loin tous les records ? La Caserne de Varces ! Et oui, nous recevons de très nombreux messages de jeunes hommes qui souhaitent s'engager dans l'armée de terre, faire un stage à la Caserne, ou tout simplement obtenir des justificatifs de leur "Journée d'appel".

À chaque fois ou presque, nous envoyons une publicité pour un livre de l'association Survie, spécialement adapté aux activités de la Caserne de Varces : Que fait l'armée française en Afrique ?...