A480 : L'accord secret

27/09/2017
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On sait maintenant pourquoi AREA est si pressée d'investir 300 millions d'euros pour élargir l'A480. Début septembre, France 2 a révélé une partie de l'accord secret signé entre l'État et les concessionnaires autoroutiers en 2015. Cet accord organise des augmentations exceptionnelles de tarifs des autoroutes dans les années à venir, en particulier pour l’A480.

Concrètement ? En plus de l’allongement de la durée des concessions des autoroutes A48 et A51 jusqu’en 2036, AREA peut augmenter ses tarifs de 0,21% en plus de l'inflation en 2017, 0,76% en 2018, 0,26% de 2019 à 2023. Des petits pourcentages à première vue... mais qui, multipliés par des centaines de milliers de véhicules toute l'année, représentent des millions d'euros. À ceci s'ajoutent des hausses supplémentaires de plusieurs millions d'euros aux péages de Voreppe (A48) et du Crozet (A51). Enfin, à partir de l’année 2033, AREA pourra conserver en supplément certaines sommes issues de l’augmentation du trafic prévu. Plusieurs centaines de millions d'euros sont en jeu.

Plusieurs centaines de millions d'euros, mais combien précisément ? Malheureusement, tous les détails de l'accord secret ne sont pas encore révélés. Il faut attendre les résultats de la procédure juridique lancée par Raymond Avrillier (maire-adjoint honoraire de Grenoble) devant le tribunal administratif de Paris. Le tribunal a récemment sommé le Ministère de l'économie de rendre publics l'ensemble des documents liés à AREA. Ces documents permettront de comprendre avec précision les montages financiers et les bénéfices prévus par AREA autour du chantier de l'A480.

 

Pour celles et ceux qui découvrent ces questions autour de l'A480, voici un petit résumé des épisodes précédents :

En novembre dernier, l'État, la Métropole, le Conseil départemental, la mairie de Grenoble et la société AREA tombaient d'accord sur un protocole d'intention concernant l'aménagement de l’A480 et du Rondeau. La quasi-totalité des élu-e-s se félicitait alors de ce chantier colossal de 380 millions d'euros pour améliorer l'échangeur du Rondeau, passer l'A480 à deux fois trois voies sans élargissement de la chaussée, maintenir les entrées nord et sud en deux fois deux voies, limiter la vitesse à 70 km/h sous certaines conditions.

Le financement ? AREA paye les travaux à hauteur de 300 millions d'euros. En contrepartie, l'État l'autorise à augmenter le tarif des péages pour les 100 000 à 150 000 véhicules circulant chaque jour sur l'A480. Il prolonge également la durée de concession de l'autoroute à AREA jusqu'en... 2036.

Les contrats entre l'État et AREA semblent cependant contenir des clauses secrètes liées à des accords nationaux signés en 2015. Suite à une plainte de Raymond Avrillier (maire-adjoint honoraire de Grenoble), le tribunal administratif de Paris a sommé le Ministère de l'économie de rendre publics l'ensemble des documents liés à AREA. Contestant cette décision, le Ministère s'est pourvu en cassation. Le 5 juillet dernier, le Canard Enchaîné a cependant révélé le contenu d'une partie des accords de 2015. Ils mettent à jour des avantages impressionnants voire illégaux accordés aux sociétés autoroutières, dont AREA.

Ces avantages impressionnants expliquent-ils la nouvelle tentative de ''passage en force" autour de l'A480 ? L’État et AREA ont dévoilé cet été un projet d'enquête publique dont le contenu ne respecte pas le protocole d'intention de novembre 2016. Le chantier de l'A480 prévoit désormais un important élargissement du domaine autoroutier, des expropriations de terrains, une forte augmentation du trafic, l'absence de garanties sur le maintien des entrées nord et sud en deux fois deux voies. Loin d'un "boulevard urbain" à 70 km/h, il s'agit désormais d'un vrai projet d'autoroute en plein centre de l’agglomération.

Depuis plusieurs semaines, les arguments se multiplient contre ce nouveau projet. Ils peuvent se résumer ainsi :

1. L'élargissement de l'A480 va encourager l'utilisation de la voiture et l'urbanisation qui va avec. La fluidité du trafic ne sera que temporaire. À terme, la pollution et les bouchons augmenteront.

2. Pour le même budget, il serait possible de construire une nouvelle ligne de tram de 10 à 15 km. En terme de déplacements, les enjeux sont proches. Sur l'A480 circulent environ 100 000 véhicules par jour. Ce n'est pas loin du nombre de voyageurs prenant quotidiennement la seule ligne A du tramway.

3. AREA va financer le chantier de l'A480 parce que ses profits seront ensuite colossaux. Probablement  des dizaines de millions d'euros. Autant d'argent public en moins pour financer des transports en commun et des services publics.

4. La pérennité de ''portes'' à 2x2 voies aux entrées de l'A480 n'étant plus assurée, le passage total à 2x3 voies est à craindre d'ici quelques années. À plus long terme, cet élargissement est une étape supplémentaire vers la relance de l'A51.

5. L'empressement de nombreux élus à démarrer ce chantier, l'un des plus grands de France, peut paraître suspect. Étant données les sommes exceptionnelles en jeu, certaines personnes redoutent d'éventuelles commissions occultes.

Pour l'instant, la Mairie de Grenoble et l'ADTC font partie des rares instances à émettre publiquement des réserves sur l'A480. En attendant des mobilisations de la population cet automne ?

[Pour plus de détails, nous vous recommandons les dossiers spéciaux A480 de l'ADES et de l'ADTC.]

Sources : Dauphiné Libéré, 29/06/17, 09/07/17, 12/07/17, 30/08/17 ; ADES, juillet 2017