Clinatec

Centre de recherche biomédicale

En janvier 2012, une centaine de personnes ont manifesté contre le laboratoire de recherche biomédicale Clinatec de Grenoble.

Pourquoi ?

Avant d'expliquer les raisons de cette contestation, voici une courte présentation officielle de Clinatec :

Clinatec est un laboratoire inauguré en 2011 par le Commissariat à l’énergie atomique, le CHU de Grenoble, l’Inserm et l’Université Joseph Fourier.

Il réunit des cliniciens, des chercheurs, des biologistes, des informaticiens, des électroniciens, des mathématiciens, des patients et des animaux de laboratoire (macaques, rongeurs, porcs…).

Les principales recherches portent sur l’utilisation des nanotechnologies pour lutter contre les symptômes des maladies cérébrales neurodégénératives comme la maladie de Parkinson ou la maladie d’Alzheimer.

Il s’agit en particulier de développer des dispositifs de stimulation cérébrale par des électrodes miniaturisées implantées dans le crâne.

De manière plus générale, le laboratoire Clinatec effectue des recherches sur les interfaces cerveau-machine permettant par exemple de commander par la pensée un fauteuil roulant, des équipements de domotique ou un exosquelette robotique. Le laboratoire Clinatec travaille également sur des systèmes de diagnostic des cellules cancéreuses du cerveau.

Clinatec dispose d’une salle d’opération, de chambres d’hébergement pour les patients, de cages pour les animaux utilisés dans les essais cliniques, ainsi que de nombreux outils d’observation neurologique high tech dont un magnétoencéphalographe (qui permet de cartographier en 3D le cerveau en mesurant les champs magnétiques très faibles créés par l’activité cérébrale).

La construction de Clinatec a coûté plus de 20 millions d’euros, essentiellement financés par l’État et les collectivités locales, dont plus de 2 millions d’euros par la mairie de Grenoble.

Clinatec a également été financé par la fondation Edmond J. Safra, ancien milliardaire et banquier suisse.

Voici maintenant les principales raisons pour lesquelles une centaine de personnes ont manifesté contre Clinatec en janvier 2012 :

  • « Clinatec a été décidé sans débat démocratique » : l’idée de construire ce laboratoire a été lancée en juin 2006 par les principaux responsables du CEA et le professeur Benabid, neurochirurgien au CHU de Grenoble et conseiller scientifique du CEA. La mairie de Grenoble a décidé de subventionner Clinatec à hauteur de plus de deux millions d’euros sans en informer le conseil municipal (notons que le professeur Benabid figurait sur la liste du maire Michel Destot lors des élections municipales de 2008. Il est également un fervent partisan et soutien de la ministre Geneviève Fioraso, longtemps bras droit de Michel Destot). Clinatec n’a fait l’objet d’aucun débat public démocratique. Son inauguration s’est faite de manière discrète, en petit comité, afin d’éviter des manifestations d’opposition comme ce fût le cas lors de l’inauguration de Minatec en juin 2006. Enfin, Clinatec est une structure opaque, interdite au public et soumise au secret-industriel.

  • « Clinatec utilise des fonds publics à des fins privées » : financé par l’État et les collectivités locales, ce laboratoire de recherche produit des inventions brevetées par des chercheurs et utilisées par des industries à but lucratif. Une fois de plus à Grenoble, des chercheurs et des industriels utilisent des subventions et des structures publiques pour faire du profit capitaliste dans le domaine de la santé.

  • « Clinatec peut servir des fins militaires » : les recherches sur les interfaces cerveau-machine ouvrent la voie vers de nombreuses applications militaires, comme des systèmes de pilotage des animaux ou des humains à distance, des implants cérébraux pour faciliter l’espionnage ou fabriquer des détecteurs de mensonges, des substances nano-biochimiques capables de modifier les états comportementaux d’une population (euphorie, apathie, sentiments de dépression, de panique, propension à la soumission, etc). Le développement direct ou indirect d’applications militaires et policières est d’autant plus crédible que le CEA, principal tuteur de Clinatec, est partenaire de la Direction générale de l’armement. Par ailleurs, plusieurs membres du CRSSA, le centre de recherches biologiques militaires anciennement basé à la Tronche, font désormais partie de Clinatec.

  • « Clinatec est un pas de plus vers le neuromarketing » : les recherches sur les interfaces cerveau-machine ouvrent la voie vers de nouveaux types de manipulations publicitaires de plus en plus insidieuses, déjà développées aux États-Unis. Ainsi, à l’Université d’Harvard, le programme « Mind of Market » vise à déterminer les zones cérébrales activées par les messages publicitaires, les mécanismes cérébraux liés à la décision d’achat et à identifier les types de messages qui s’incrustent le plus profondément chez les consommateurs.

  • « Clinatec se concentre sur les effets et non sur les causes des maladies » : dans un environnement de plus en plus pollué par les produits chimiques, les pesticides, les gaz d’échappements, les radiations radioactives et les rayonnements électromagnétiques, les recherches grenobloises s’orientent une fois de plus vers le traitement des effets des maladies plutôt que sur leurs origines, sans réflexion de fond sur le fonctionnement de notre société et sur les causes des maladies neurodégénératives.

  • « Clinatec renforce la psychiatrie normalisatrice » : dans le domaine de la souffrance psychique, deux approches psychiatriques sont possibles. La première approche, dominante en France, consiste à traiter par voie chimique ou comportementaliste les symptômes de la maladie, sans forcément de réflexion sur les causes des souffrances, sur le rapport entre l’individu et la société, sur le sens des normes selon lesquelles une personne est dite « malade mentale » ou « en bonne santé ». La seconde approche, celle de la psychiatrie dite institutionnelle (ou « antipsychiatrie »), consiste à accompagner l’individu dans la compréhension de son histoire sociale et familiale, afin d’identifier et d’agir sur les causes de ses souffrances, et, à travers cette recherche, de questionner le rapport à la société, le sens des normes, le poids des contraintes sociales sur la vie des individus. Les interfaces cerveau-machine renforcent l’approche psychiatrique dominante. Elles se focalisent sur la recherche de technologies pour supprimer des symptômes comme l’anorexie, la dépression, l’addiction et les troubles mentaux, ce qui ouvre la voie vers des outils « normatifs » d’une puissance sans précédent, qui auraient fait rêver des pouvoirs totalitaires.

  • « Clinatec est un pas de plus vers l’idéologie transhumaniste » : les interfaces cerveau-machine pour personnes malades ou handicapées sont les prémices de prothèses pour améliorer les performances auditives, visuelles ou mécaniques de personnes valides. À l’image de ce qui se passe dans le domaine de la chirurgie esthétique, les interfaces cerveau-machine préfigurent un monde où les riches pourront se soigner, améliorer leurs performances et accroître encore davantage les inégalités économiques et sociales. Par ailleurs, à travers le renforcement de l’homme-machine, les avancées scientifiques contribuent, volontairement ou non, à justifier l’idéologie transhumaniste, celle qui valorise « l’homme augmenté » au détriment des « gens normaux », une idéologie de plus en plus prisée aux États-Unis.

Pour plus de détails sur toutes ces critiques, nous vous recommandons les textes Clinatec : le laboratoire de la contrainte, publié par le média Pièces et Main d’Oeuvre et Clinatec : la santé publique classée secret industriel, publié par les élu-e-s Verts, ADES et Alternatifs de la ville de Grenoble.

Signalons que le 27 octobre 2014, le Dauphiné Libéré interviewait sur une pleine page le professeur Benabid, neurochirurgien responsable du centre Clinatec. À la question « Pourquoi n'a-t-on pas le droit de visiter Clinatec ? », le professeur répondait : « Parce que nous sommes au CEA où des labos sont couverts par le secret industriel. Et puis, c'est sûr que les circonstances ''terroristes'' ne nous facilitent pas les choses. Je veux parler du collectif ''Pièces et Main d'oeuvre'' qui veut nous traîner devant le tribunal international pour crime contre l'humanité. […] Il y a deux ans je faisais une conférence sur Parkinson et il y en a un qui m'insultait en disant que je pilotais le mental des gens. J'en étais malade ! » (DL, 27/10/14)

Quelques jours plus tard, le journal publiait un communiqué de PMO rappelant des propos du professeur Benabid lors d'une conférence du 17 janvier 2012 sur Parkinson : « Avec les électrodes et les implants cérébraux, on peut changer la personnalité de quelqu'un qui était anormal, pour le remettre dans la normalité. On peut faire passer les gens d'un état suicidaire à un état jovial. Faut-il en conclure qu'on peut manipuler les gens et les faire marcher au pas cadencé ? Certes, mais on les fait tellement marcher au pas cadencé par d'autres moyens. »

PMO concluait ainsi : « les nanoparticules préparent la prochaine vague de tumeurs et de maladies neurodégénératives. Les dégâts infligés au cerveau par les nanoparticules - qui franchissent la barrière hémato-encéphalique (voir ''Nanotoxiques'' de Roger Lenglet, Actes Sud) - promettent des développements fructueux pour la recherche médicale et un afflux de cobayes humains à ''traiter'' à Clinatec. Cela ne rend pas malade le Professeur Benabid : nous, si. » (DL, 30/10/14)

En octobre 2015, le journal Le Postillon publiait une enquête sur les coulisses de Clinatec. Cette enquête décrit des conflits internes mettant en danger l'éthique du laboratoire, une culture du secret, la souffrance au travail de certains salariés, les stagnations de nombreuses recherches, des conflits entre les différentes structures responsables du laboratoire, l'horreur des expérimentations menées sur des singes, ou encore les aspects transhumanistes de certaines recherches. Cet article n'a, à notre connaissance, suscité aucune réaction publique.

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Rue Félix Esclangon
38000 Grenoble

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